0

en tete tome 2

 

 

Bonjour jeunesse

Tome 2

icone retour biblio

Retour à la bibliothèque

 

          Mylène a toujours deux ans d’avance, ou de retard, selon qu’on considère le fait qu’elle ait sauté des classes ou son sentiment d’être perpétuellement en décalage par rapport à ses camarades. C’est ainsi qu’à 13 ans, elle entre au lycée.

 

Une émotion palpable la saisit lorsque nous quittons Gye, son village natal, et sa maison d’enfance, sorte de relique du passé. “Peut-être parce que mon père y a vécu”, avance-t-elle. Un homme brillant, grand amateur du mathématicien allemand Carl Friedrich Gauss, qui adorait raconter à sa fille des anecdotes sur sa vie et “des trucs mathématiques beaucoup trop compliqués” pour son âge. Mylène ne lui aurait jamais confié ses sentiments les plus intimes, mais elle l’admirait au plus haut point et raffolait des discussions intellectuelles qu’ils avaient tous les deux et lui apportaient beaucoup. Il décède d’un cancer en 2005, au cours de l’année de seconde de sa fille aînée. Une maladie qu’il traînait depuis sa terminale, l’empêchant de rentrer dans l’école d’ingénieur de ses rêves.

 

 

“Il a été malade pendant toute mon enfance
et je sais qu'il s'inquiétait de savoir ce que j'allais devenir. Il était plus inquiet pour moi que pour mon frère, même dans ses derniers temps.”

 

 

Ses inquiétudes étaient fondées. Plus proche en tempérament de son père que de sa mère, Mylène se retrouve seule et plonge dans l’anorexie et la boulimie. “Ça va souvent de pair, ce sont les deux phases de la même pièce”.

Contrôle

Mylène a gardé ce secret, trop honteuse de son comportement pour oser en parler. “Durant de nombreuses années, je pensais que j'étais complètement dingue, je comprenais pas pourquoi je faisais ça et je pensais que j'étais toute seule à le faire”, relate-t-elle. Elle ne se libérera de son obsession du contrôle et de la honte associée qu’en psychothérapie, bien plus tard.

chemin tout tracé

photo45.JPG
photo39.JPG
photo44.JPG
photo22a.jpg
icone photo22a
icone photo44
icone photo45
icone photo39

          Des séjours linguistiques lui offrent l’occasion rêvée de s’évader. Elle n’avait encore jamais franchi les frontières nationales, habituée aux vacances en France. En classe de première, elle s’envole vers les États-Unis, à Atlanta. “Ça n’a pas toujours été compris, mais c'était quelque chose de libérateur pour moi, il y avait cette émancipation par rapport à la langue, au pays.” En prenant de la distance avec la France, elle se rend compte du carcan social très fort qui existe et dans lequel elle est enfermée. Elle prend rapidement goût à la culture américaine, noue des liens avec sa famille d’accueil, profite de la multiculturalité des jeunes qui logent dans la même maison.

 

En terminale, elle met à nouveau les voiles pour un nouvel échange, dans le Michigan et le Wisconsin cette fois. “J'ai fait ça à plusieurs reprises, ça m'a permis d'aller un peu partout : dans le Midwest, sur la côte est, dans le sud, sur la côte Pacifique.” Elle se lie d’amitié avec la mère de cette deuxième famille, à qui elle écrit encore aujourd’hui, et avec des jeunes devenus ses amis, qu’elle reverra à l’occasion d’autres voyages à New York et sur les côtes.

 

 

“J'aimerais bien y retourner.
Je l'ai pas fait depuis un moment mais c'est quelque chose que j'aimerais bien refaire
parce que ça a été important pour ma construction, et ça reste toujours
un endroit où je me sens bien.”

 

 

Au lycée, Mylène continue sa course effrénée sur la voie de l’excellence. Son amour des langues et les questions existentielles qu’elle se pose font pencher la balance vers un bac L. “J’aimais bien les matières littéraires et j'avais déjà des questionnements moins scientifiques mais plus philosophiques, qui auraient pu être davantage examinés dans cette filière.” Mais l’environnement, à nouveau, la pousse à aller en S, section qui forme “l’élite de la nation, ceux qui vont en prépa et qui ont leur chemin tout tracé”. Alors que les ados de son âge quittent la seconde, elle décroche son bac scientifique avec mention et s’oriente en médecine, où elle brille toujours autant.

Exceptionnalité étouffante

Mylène n’a pas supporté cette ascension fulgurante. Après avoir validé son année de médecine du premier coup, elle se lance à corps perdu dans la deuxième. Mais quelque chose est brisé, ça ne fonctionne plus comme avant. “J'ai commencé à étouffer et à ne plus trop pouvoir continuer sur cette autoroute-là qui aurait mené logiquement jusqu'à l'internat puis à l'exercice de la médecine.”

échecs

photo22c.jpg
photo22b.jpg
photo43.JPG
photo17.JPG
icone photo22b
icone photo22c
icone photo17
icone photo43

          Pour la première fois, elle recule d’un cran en sabotant volontairement sa deuxième année : elle n’a pas été aux examens. Elle retente, se remotive, mais en vain.

 

 

“Je voyais qu'il y avait un truc qui commençait à craquer en moi, la pression est très forte pour continuer quand on est sur cette voie-là,
pour se retrouver dans une situation
sûre professionnellement.”

 

 

Elle abandonne : cette vocation ne lui convient pas, elle a l’impression que ce n’est pas elle qui l’a choisie. Dans la foulée, elle quitte le domicile familial dans une volonté de prendre de la distance : si elle étouffe, n’en peut plus, n’est pas heureuse, c’est sûrement la meilleure décision à prendre. Elle part s’installer dans la cité universitaire de Médreville en 2010. Mais ce nouveau pas dans l’âge adulte est une nouvelle déconvenue. “J’avais l’impression que je ne pouvais pas y arriver toute seule, que j’étais pas suffisamment mature, et mes troubles alimentaires me pourrissaient la vie.”

Dépressive

Dans ce contexte, se rendre à la fac et suivre son nouveau cursus s’avèrent insurmontables pour la jeune femme. “Ces années-là où c'était difficile, je pouvais pas être vraiment à mes études et à la réussite. J'ai eu beaucoup d'expériences d'échecs qui étaient par contraste avec ma vie d'avant, très dures à vivre, parce que c'était la déchéance totale”, se livre-t-elle. Avec le recul, elle ne considère plus de manière aussi radicale cette étape dure à traverser.

 

 

“Ce serait davantage quelque chose qui m’a éloignée, un pas de côté par rapport à l'avenir que j'aurais dû avoir très certainement.”

 

 

Car le parcours qu’elle vient de choisir n’a rien à voir avec la médecine. Elle a puisé dans ses intérêts les plus anciens pour décider de ce à quoi elle se dédierait les trois prochaines années. Un acte subversif, selon elle, “parce qu’on n’est pas forcément poussé à faire des choses qui nous intéressent quand c'est des choses qui n'ont pas de débouché clair”. Dans son cas, ce seront les langues et la philosophie. Même pendant ses études de médecine, elle tenait des carnets de vocabulaire d’anglais, d’italien et de russe. Une passion qui remonte à l’enfance, et qu’elle a gardée en elle tout ce temps.

feu d'artifices

          La philo, c’est une façon de penser qui l’attire, sans qu’elle en ait eu trop conscience avant, depuis qu’elle est en âge de raisonner. “J’ai été poussée par des choses qui étaient des obsessions et que j'avais envie d'examiner plus avant.” C’est ainsi qu’elle entame une licence d’anglais option russe en septembre 2010, et deux ans plus tard, une licence de philosophie en parallèle des langues.

La découverte de la philo, elle la compare à un feu d’artifices, et l’évoque avec un engouement sans précédent. “J’avais enfin trouvé quelque chose qui correspondait à ma tournure de pensée, quelque chose de tellement riche et de réflexif qu’on ne peut pas s’en lasser.” Les réponses aux questions restées en suspens quand elle était petite jaillissent sous ses yeux ébahis. Bien que peu communes chez des enfants de son âge, ses pensées étaient floues et formulées confusément. Elle ne parvenait qu’à effleurer des problèmes, à les pointer du doigt, et voilà que soudain, tout était explicitement formulé par les philosophes.

 

 

“Ça, c’était un moment eurêka, le genre de moment où on se dit ‘C’était donc ça ! C’est exactement
ce que je me posais comme question,
par contre c’était confus en moi,
là c’est clair.’ C’était magique.”

 

 

Mylène jouit de cette illumination. Happée, fascinée, captivée par les philosophes, elle tente de rentrer dans leur pensée, jubile quand elle parvient à formuler une objection à laquelle l’auteur répond dans le paragraphe suivant. Elle dévore les essais et discours philosophiques, fait des expériences de pensée, songe à les concrétiser. Vérifier par elle-même les hypothèses qu’elle soulève, répondre à ses propres questions. “J'ai eu besoin d'explorer un peu la société dans ses aspects plus larges, moins étriqués, et peut-être là où on ne m'attendait pas.”

Comment c'est possible

icone vers biblio

Retour à la bibliothèque

icone vers tome 1

Tome 1 - L'enfant prodige

icone vers tome 3

Tome 3 - Fille de joie

 

tranche 4 controle.jpg
tranche 2 controle.jpg
tranche 3 controle.jpg
tranche 1 controle.jpg

tranche 4 exceptionnalité.jpg
tranche 2 exceptionnalité.jpg
tranche 3 exceptionnalité.jpg
tranche 1 exceptionnalité.jpg

tranche 4 dépressive.jpg
tranche 3 dépressive.jpg
tranche 2 dépressive.jpg
tranche 1 dépressive.jpg

tranche 4 comment c'est possible.jpg
tranche 3 comment c'est possible.jpg
tranche 2 comment c'est possible.jpg
tranche 1 comment c'est possible.jpg

Copie de icone aide

Besoin d'aide

 

Copie de fleche aide

Vous venez d'ouvrir le tome 2, récit de l'adolescence de Mylène. 

 

Pour comprendre son histoire, le texte et les vidéos sont indispensables. Les photos et objets à droite de l'écran le sont moins : ils complètent ou illustrent ce qu'elle raconte.

 

N'hésitez pas à parcourir les cahiers et albums photos : ils recèlent des descriptions sonores.

 

Bonne lecture !